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Les raisons de la crise

Qu’est-ce qu’on est prétentieux quand on a fait des études ! 
 
 
par ryann1976 
Paru sur Agoravox le 14 juillet 2009 
 
Petite chronique de ma vie personnelle, adepte du « Moi Je » ambiant. Désillusions d’une diplômée précaire
 
"Je n’ai pas fait d’études me disait souvent ma mère (c’est pour ça que toi, il faut que tu t’en sortes, même si tu n’aimes que dessiner, il faut avoir le bac et faire des études, pour travailler). Oui mais chère maman, ça ce n’était valable que dans les années 1970. Depuis le monde a bien changé. Avant, on avait la garantie d’être cadre avec un bac plus 3. Aujourd’hui avec un bac plus 5 on se trouve être le subalterne d’un gros beauf qui ne sait même pas comment utiliser PowerPoint. 
 
Je fais partie de ce qu’on appelle les diplômés précaires, c’est à dire ces personnes qui font des études souvent longues et qui se retrouvent sans travail s’ils ne passent pas un concours, Ces diplômés précaires se retrouvent sans travail car on leur a dit que faire des études permettrait de trouver un bon job, mais en 10 ans le monde a changé. Les bacs plus 2 Vente se retrouvent être étalagistes dans les supermarchés de l’île ou vendeurs dans les boutiques de téléphonie, alors qu’ils devraient être managers. Les doctorants occupent des postes jadis réservés au bac plus 3, pour être technicien de surface il faut avoir le bac, etc… 
 
Pour revenir à ma mère, cette dernière souffrait de n’avoir pas pu faire d’études, et par conséquent nous as retransmis le virus des études à ma grande sœur et moi , si cette dernière s’est arrêtée à bac plus 4, elle occupe un poste catégorie B aujourd’hui, quand à moi avec un bac plus 5 , je vais de job en job avec pour seule ambition, comme tous mes amis martiniquais : devenir fonctionnaire, car le privé comme je l’ai écrit dans un précédent article c’est de la merde. Et pourtant, étant plus une chercheuse d'emploi qu’une compétitrice acharnée, j’ai dû me rendre à l’évidence : pour bien vivre aux Antilles, à part la fonction publique et ses 40 pour cent qu’on tente vainement de supprimer pour les nouveaux fonctionnaires (je serai la première à faire grève de la faim si on essaie de les enlever), il n’y a pas grand chose, à part des exploiteurs profiteurs qui n’ont pas honte d’embaucher des bac plus 5 pour un salaire de misère.  
 
Si j’avais su plus tôt je ne me serais pas lancée dans des études longues et littéraires (puisqu’on ne nous explique pas qu’avec certains diplômes comme l’art, la sociologie, l’ethnologie, les sciences de l’éducation, etc..., il est difficile de trouver un job). Et pourtant chaque année des milliers de jeunes bacheliers se lancent dans des études littéraires, et vont dans des facs comme le Mirail ou Paul Valéry toujours en grève, sans qu’un seul COP de lycée les prévienne qu’à part être professeurs (s’ils arrivent à obtenir le concours), il n’y a pas grand chose pour les littéraires sauf s’ils changent d’orientation à temps. Alors franchement si c’était à refaire, j’aurai fait comptabilité ou un BTS action commerciale; je serais aujourd’hui conseillère financière de ma banque qui veut ma peau et j’aurais, comme tout martiniquais qui se respecte, mon 4X4 et ma villa à Terreville (je sais, ça fait cliché, mais ça m’amuse). 
 
En tout cas il serait temps qu’on arrête de faire croire aux jeunes que faire des études longues sert à quelque chose : beaucoup d’appelés et peu d’élus. Si j’avais des enfants, je leur conseillerais la voie technique et courte, et de s’engager vers les filières porteuses, malheureusement personne au lycée Bellevue de Fort-de-France ne m’a parlé des filières porteuses. Si c’était à refaire j’aurais passé un bac STG ou STI. Ma petite sœur de 18 ans qui vient d’avoir son bac à plus de chances de trouver un boulot avec son bac STG que moi avec mon master en Sciences de l’éducation. 
 
Prétentieuse que je suis ! Je pensais que la Martinique n’attendait que moi, qu’avec tous mes diplômes je trouverai facilement du travail. Et puis en plus notre « bien aimé » président de Région indépendantiste à ses heures perdues, nous a dit qu’il fallait rentrer au pays car la Martinique a besoin de diplômés martiniquais.  
 
Mais la réalité m’a vite rattrapée : la Martinique n’a que faire des diplômés. Vaut mieux avoir le bras long et un nom connu pour travailler, c’est la seule et véritable compétence qui compte, avant les diplômes, avant la réflexion et même avant le professionnalisme.  
 
Alors, jeunes diplômés précaires faites comme moi : passez des concours jusqu’à l’obtention de l’un d’entre eux, car c’est la seule ambition que l’on peut avoir en France aujourd’hui." 
 
 
Troublant témoignage, n'est-ce pas ? 

 

(c) Jean-Pierre MAURICE - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 14.07.2009